
L’IA va-t-elle remplacer les profs ?

Il y a une dizaine de jours, OpenAI a fait trembler l’univers de l’IA en ajoutant une nouvelle fonctionnalité à ChatGPT : générer des images de haute qualité en s’inspirant des films du célèbre Studio japonais Ghibli.
Comme ça, sans demander.
Internet s’est émerveillé et puis… panique à bord !
Et si l’IA remplaçait les créatifs ? Si c’était la fin de l’humanité ?
Bien qu'Hayao Miyazaki n’aie pas (encore) réagi à la polémique, sa position sur les outils d’animation par IA est cristalline :
« Je ne souhaiterai jamais incorporer cette technologie dans mon travail. [...] J’ai le sentiment que nous approchons de la fin des temps. Nous autres humains avons perdu la foi en nous-mêmes. »
Gloups.
Et si l’inquiétude traverse le monde artistique, elle plane aussi sur celui de l’éducation.
Alors, l’IA remplacera-t-elle les profs ? Eh bien nous allons voir !
Une dystopie effrayante : le spectre du prof-robot
Tout part souvent d’une vidéo et de promesses techno-pédagogiques loufoques mais crédibles. Regardez celle de Squirrel AI. On se croirait dans un épisode de Black Mirror.
D’après ses dires, la technologie permettrait d’enseigner mieux, pour moins cher, et à tout le monde. Une vague impression de déjà vu avec la vision des MOOC (vision qui n’est jamais devenue réalité).
3 raisons pour douter de cette dystopie :
- L’expérience de la pandémie. Nous l’avons appris à nos dépens : l’éducation est un processus social. Même bardé de wifi, personne n’a envie de passer ses journées sur un écran.
- On ne développe ni l’empathie, ni l’écoute, ni la coopération seul devant un logiciel, même dopé à l’IA.
- Difficile d’enseigner la créativité ou l’esprit critique à la chaîne. Nous ne sommes pas à l’usine, nous sommes à l’école.
Une réalité humaniste : la logique collaborative
Maintenant que la dystopie scolaire a échoué, revenons à des considérations plus terre-à-terre et enthousiasmantes.
Non, l’IA ne va pas remplacer les profs.
Pourquoi ? Parce qu’éduquer ce n’est pas remplir des vases mais allumer des feux (merci Plutarque).
En d’autres termes, la relation humaine enseignant-élève est un levier majeur de motivation, d’engagement et d’apprentissage. Les élèves, notamment les plus fragiles, ont besoin de repères, de présence, d’encouragements et certainement pas de plus d’écrans.
C’est d’ailleurs ce qu’ont démontré les recherches de John Hattie dans son ouvrage Visible Learning.
À travers ses méta-analyses sur les facteurs de réussite scolaire, Hattie montre que la qualité de la relation enseignant-élève figure parmi les facteurs les plus efficaces sur les apprentissages, avec un effet mesuré de 0,72 (au-delà de 0,4, on considère que l’impact est significatif).
On parle “d’effet enseignant”. Plus le cours est animé par le prof, plus l’élève retient.
Si l’IA ne va pas remplacer les profs, elle peut en revanche leur être utile.
Un livre blanc portant sur l’impact de l’IA sur l’éducation, paru fin 2024, a proposé une lecture fine de la place que peut prendre l’IA à l’école, à savoir :
- Accompagner les enseignants en automatisant certaines tâches chronophages
- Générer des supports pédagogiques ciblés
- Fournir un feedback plus rapide et concis (cf. #newsletter 9)
- Aider à la formation continue des enseignants
L’IA est bel et bien considérée comme un outil, et pas comme un remplaçant virtuel de l’enseignant.
La vision IA de Jonathan, fondateur de Ed
Jonathan Banon, le fondateur de Ed, a répondu à deux questions sur ce sujet fondamental de la place de l’IA par rapport aux enseignants.
Après plus de 10 ans passés dans l’éducation et la tech, quelle est ta vision de l’IA par rapport à l’enseignement ?
Je crois fermement que l’IA n’a pas vocation à remplacer les profs mais à être leur alliée. Une aide invisible mais essentielle, capable de leur redonner du temps pour ce qui compte le plus : accompagner chaque élève vers sa réussite.
La réalité du métier aujourd’hui impose des contraintes qui alourdissent cette mission et avec Ed je crois qu’il est temps d’apporter un nouveau souffle à cette mission.
Comment ton parcours a nourri ta vision du projet ?
Je suis l’un des fondateurs des éditions LeLivreScolaire.fr, une aventure née d’un ADN profondément enseignant. Avec Ed, nous poursuivons cette philosophie : développer des outils qui partent des besoins du terrain.
Ed n’est pas qu’un outil, c’est un projet collectif. Depuis le début, le projet a été pensé en collaboration directe avec des enseignants.
Nous avons ressenti, à travers nos échanges, un besoin fort : celui d’une intelligence artificielle éducative pensée et façonnée par les experts de l’éducation eux-mêmes.
Et pour preuve : ce sont deux anciens enseignants qui pilotent l’approche pédagogique de la solution et ce sont des dizaines (bientôt des centaines) d’enseignants qui nous aident chaque jour à l’améliorer dans le cadre, notamment, d’une expérimentation avec l’académie de Lyon.
Ed est donc une co-construction, où les profs participent activement à définir les fonctionnalités et les usages, de la correction intelligente au diagnostic des difficultés des élèves, en passant par la création de contenus pédagogiques adaptés.
Parce que seule une IA façonnée par et pour les profs peut réellement répondre aux attentes du monde éducatif.
Conclusion
Loin de remplacer les profs, l’IA est là pour nourrir leur flamme, une flamme précieuse qui éclaire, réchauffe et donne envie d’apprendre 🔥
Comme Calcifer le démon du feu du Château ambulant de Ghibli, l’IA peut devenir le cœur discret mais essentiel de l’école. Un allié puissant, mais jamais autonome, qui fonctionne lorsqu’il sert, protège et soutient les humains qui l’entourent.
En alimentant les feux des profs comme ceux des élèves, l’IA peut faciliter leur quotidien et libérer du temps pour ce qui compte vraiment : des apprentissages sur-mesure et une pédagogie incarnée.
Et si c’était ça, sa plus belle promesse : remettre un peu de magie dans le feu sacré de l’éducation ?