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Quartier de haute sécurité de manchots criminels Crédits photo : MARIOLA GROBELSKA sur Unsplash
IA Devoirs à la maison Évaluation

Une élève, une IA et un crime

Rémi
Rémi |

La semaine dernière, on vous parlait polygraphes et ChatGPT.

Aujourd’hui, on voulait se la jouer Holden Ford, cet agent du FBI de la série Mindhunter qui parcourt les prisons de hautes sécurités pour interroger les serial killers américains et essayer de comprendre pourquoi ils font ce qu’ils font.

Nous, on voulait “juste” savoir pourquoi les élèves utilisaient ChatGPT pour tricher. Quel serait le mobile du crime ?

Fatima, élève en terminale, a bien voulu nous répondre.

Vous allez le voir, le passage à l’acte, c’est une pression qui l’explique en partie : celle des notes.

Un mobile : la pression des notes

En droit, le mobile est ce qui pousse l’auteur d’une infraction à agir.

Quand on interroge Fatima sur ses raisons de tricher avec ChatGPT, la réponse est évidente :

« On nous demande tout le temps des bonnes notes ».

C’est vrai. Au lycée, la pression des notes est particulièrement forte puisque de bonnes notes sont déterminantes avec le contrôle continu de Parcours Sup et l’enjeu d’intégrer l’école ou la fac de son choix.

La note incarne le niveau et les capacités de l’élève. C’est sur elle que s’attardent les « juges » qui décideront de son avenir.

Bilan : certains sèchent les contrôles facultatifs ou dégainent leur téléphone plutôt que de risquer une mauvaise note.

Mais tout n’est pas perdu. Fatima nous a confié qu’elle culpabilisait d’utiliser l’IA sachant qu’elle n’en avait pas besoin.

Elle est consciente d’un autre risque : devenir dépendante de l’outil et régresser. Cette idée lui a sauté aux yeux il y a quelques mois, en redécouvrant des copies qu’elle avait rédigées en 3e.

« C’était très bien écrit, très bien fait. J’étais choquée. En 3e je ne pensais pas avoir été capable de faire quelque chose comme ça ».

Effrayant.

« Je sais que je peux aller plus loin, même les profs le disent mais ça me demande un effort… Il faut que je m’améliore ».

Si certains élèves comme Fatima prennent conscience de ce risque de régression, les enseignants ont un rôle à jouer pour prévenir le phénomène : sensibiliser les élèves.

Pour en savoir plus

🎙 Pression scolaire est-ce ainsi que les élèves vivent ?, un épisode du podcast Etre et Savoir, diffusé sur France Culture.

 

Un risque à prévenir : l’addiction à ChatGPT

Fatima sait tirer profit du meilleur de ChatGPT :

  • Elle scanne ses devoirs pour lui demander du feedback
  • Elle confronte ses idées pour compléter ses devoirs
  • Elle assure gagner en vocabulaire et améliorer son style en matière de rédaction
  • Elle demande à l’IA de clarifier des notions complexes…

Bref, elle a tout bon !

Mais parfois, elle remarque y recourir par automatisme, paresse ou parce qu’elle manque de confiance en elle, partant du postulat que les sources indiquées sont fiables et vérifiées, et qu’elle a beaucoup de temps à gagner.

Le comble ? C’est qu’elle entend en elle une petite voix murmurer qu’elle risque de devenir accro à ChatGPT… et sotte ! Mais c’est plus fort qu’elle, il lui faut de bons résultats.

Alors, comment éviter la dérive ?

En aidant les élèves à gérer la pression du contrôle continu. Nathalie Braun professeur de mathématiques au lycée, suggère quelques pistes, parmi lesquelles :

  • Multiplier les notes en équilibrant évaluations formatives (pour s’entraîner) et certificatives (pour valider).
  • Concevoir des évaluations utiles aux apprentissages, en valorisant l’erreur et en fournissant du feedback.
  • Instaurer un contrat de révision précisant les compétences à maîtriser avant chaque devoir.
  • Créer des grilles d’évaluation avec des critères clairs pour faciliter l’autoévaluation et harmoniser les corrections.
  • Accompagner la gestion du stress en créant un climat d’apprentissage serein et rassurant.

Prêts à relever le défi ?

Pour en savoir plus

🛠 Retrouver l’article de Nathalie Braun dans son intégralité, « 8 conseils pour aider les élèves à gérer la pression du contrôle continu », Etre PROF.

 

Conclusion

Comme dit la maxime « Mieux vaut prévenir que guérir ».

Fatima nous l’a confirmé : les élèves s’inquiètent du risque de dépendance à ChatGPT et aimeraient être éduqués à son usage, comme ils le sont aux médias et aux fake news.

Avant l’IA, nous avons dû apprivoiser Internet avec ce qu’il contient de sombre et de merveilleux. Nous ne sommes pas devenus stupides en recopiant ses contenus. La triche a toujours fait partie du jeu.

C’est à notre tour d’accompagner les élèves vers cette transition numérique et culturelle, sans créer de pression inutile. Pour qu’ils fassent de l’IA un allié, pas une béquille.

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