
Sanctuaire ou grand air, quelle école choisir ?
“N’oublie pas Quasimodo, ceci est ton sanctuaire.”
Dans cette réplique Disney, le juge Frollo, précepteur de Quasimodo, lui rappelle que les murs de Notre-Dame sont là pour assurer son insertion dans le monde (en tant que sonneur de cloches) et sa protection.
Mais sous contrôle de son Maître et enfermé dans sa geôle sacrée, le bossu est au final coupé du monde.
Le géographe, Pascal Clerc, relève le même paradoxe avec l’école : un espace sacralisé où l’on protège autant que l’on enferme, et où l’on transmet autant que l’on formate.
Alors, on vous pose la question : l’école, en tant qu’espace, est-elle encore un lieu propice à l’apprentissage et à la découverte du monde ?
Un sanctuaire sous haute protection
🏰 Les écoles sont devenues des forteresses. Grilles, badges, caméras… la logique de protection prime sur celle de l’ouverture.
Des tragédies de plus en plus violentes (comme la mort de Samuel Paty ou celle de Dominique Bernard) visent en effet l’école et poussent l’Éducation nationale à installer plus de dispositifs sécuritaires, pour protéger les élèves et les adultes présents dans l’établissement.
Mais à vouloir trop protéger l’école, n’en fait-on pas un lieu fermé alors que sa vocation serait plutôt au contraire d’ouvrir la jeunesse au monde ? C’est ce paradoxe qu’analyse Pascal Clerc dans son ouvrage.
Pour le découvrir :
📖 Émanciper ou contrôler ? Les élèves et l’école au XXIe siècle, Pascal Clerc
Une usine pour transmettre et surveiller
🏭 Pascal Clerc remarque également que l’école a été pensée comme une machine à transmettre les savoirs et à faciliter la surveillance des élèves. Tout est structuré, rationalisé, optimisé, pour maximiser son efficacité :
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Un espace de surveillance : des cours de récréation bétonnées, rectangulaires et peu aménagées, pour faciliter la surveillance et limiter les risques.
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Un temps morcelé, avec une unité rigide (55 minutes) pour segmenter l’apprentissage et rythmer la journée.
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Des salles de classe qui se ressemblent toutes : avec des tables en rangées d’autobus, adaptées à un mode de classe unique - le cours magistral. Même les salles de permanence n’échappent pas à cette configuration !
Aujourd’hui, ce modèle connaît ses limites.
Inspirés par les pédagogies actives du début du XXe siècle (Freinet, Montessori) de nombreux enseignants n’ont pas attendu que les écoles changent pour adapter leur manière de faire cours.
Un espace modulable
#1. Transformez votre salle de classe en espace d’apprentissage
Testez la classe mutuelle. Expérimentée à partir de 2015 au lycée Dorian de Paris par Vincent Faillet*, la classe mutuelle propose une réorganisation des salles de classes pour augmenter le niveau d’engagement des élèves, tant cognitif que physique.
Les principes de la classe mutuelle. Crédits photo : Anne-Cécile Calléjon
Repensez l’aménagement de toute une école comme le propose la Vittra School de Telefonplan*. Dans cette école suédoise, les élèves ont à disposition cinq grands types d'espaces :
- L’amphithéâtre (lieu de présentation)
- Le laboratoire (pour fabriquer et expérimenter)
- Des espaces dédiés au travail personnel (pour apprendre et se concentrer)
- Les séances de débat (pour lancer des projets et produire ensemble)
- Les lieux de rencontres plus informelles (pour travailler en groupe)
Voyez, notre renard blanc et notre macareux moine sont partis tester l’espace labo.
Crédits photo : Vittra school - L’espace laboratoire.
#2. Sortez de la classe
Faites classe dehors. Appropriez-vous l’espace public pour illustrer une leçon ou mettre l’élève en situation. En mathématiques, ce peut être l’observation de la géométrie ou la comparaison des ordres de grandeurs ; en français, la lecture à haute voix dans un parc.
De nombreuses ressources sont disponibles pour faire cours hors de la classe*. Et cela peut commencer dans la cour de récréation !
Organisez des voyages scolaires. Les voyages sont l’occasion de découvrir les élèves sous un angle différent de votre matière et sont une incroyable opportunité de leur offrir une fenêtre sur le monde. C’est beaucoup de travail mais ça vaut le coup !
#3. Ouvrez vos classes
Aux parents. Les parents sont souvent invités à l’école en début d’année, en fin d’année et… au milieu s’il y a un pépin avec leur enfant.
Et si vous les invitiez pour d’autres occasions ? Tous les moyens sont bons pour créer du lien : sorties scolaires, activités en classe, petits-déjeuners à partager, etc.
Aux intervenants extérieurs. Les chefs d’établissement aiment ouvrir les portes de l’école à des intervenants extérieurs, qu’il s’agisse d’interventions spécialisées (voir notre newsletter #3 pour quelques idées) ou de témoignages plus informels, en lien ou non avec votre matière. Profitez-en !
🛠 * Ressources utiles :
🎙 Un podcast pour partir A la découverte de l’enseignement mutuel
📄 Une page pour en savoir plus sur la Vittra School de Telefonplan
📚 Un panel de ressources pour faire école dehors
Conclusion
En réinventant l’école pour en faire un espace plus flexible et ouvert, vous ferez de vos élèves des apprentis curieux plutôt que des écoliers passifs.
L’attraction du monde extérieur est bien trop forte pour espérer cloîtrer les élèves dans une tour d’ivoire !
D’ailleurs, Quasimodo n’est-il pas lui-même descendu de la sienne, chantant « ce serait merveilleux d’être heureux, à mon tour, faire un tour, alentour, de ma tour, rien qu’un jour. » ?
🎁 C’est cadeau : extrait du Bossu de Notre-Dame (Disney)