Dans les années 1950, Mad Bomber, un poseur de bombes en série, sème la panique à New York depuis bientôt seize ans. Pour le coincer, la police fait appel au psychiatre James A. Brussel chargé d’établir un portrait psychologique.
La précision du profil est telle qu’elle permet d'arrêter George Metesky dans l’année, posant les jalons du profilage criminel tel qu’on l’utilise aujourd’hui.
Chez Ed, on a voulu jouer les Brussel en décortiquant le baromètre d’Ecolhuma « Enseignants et IA : où en est l’école française ? ». C’est l’étude la plus complète et la plus récente réalisée en France sur l'utilisation de l'IA par les profs.
Pour la mener à bien, 1 542 enseignants se sont prêtés au jeu, entre le 14 mai 2025 et le 31 mai 2025.
Objectif : identifier les profils d’enseignants face à l’IA, entre méfiance, pragmatisme et curiosité.
Résultat : trois profils bien distincts ont émergé.
Prudent, Pragmatique ou Enthousiaste, dans quelle catégorie serez-vous ?
« L’IA on a fait sans jusque-là… »
Premiers sur la liste : les plus méfiants du corps enseignant, ils représentent 21 % des répondants. Sceptiques et inquiets, ils perçoivent l’IA davantage comme une menace que comme une aide.
Conséquence : moins de 10 % d’entre eux envisagent de l’utiliser réellement dans leur pratique.
Utilisation assez limitée des outils IA : seulement 18 % d’entre eux en font un usage hebdomadaire.
Ils estiment qu’entre 13 % et 22 % de leurs tâches seulement pourraient être déléguées à l’IA.
4 enseignants sur 10 interdisent l’usage de l’IA à leurs élèves, et la même proportion ne donne aucune consigne.
Motivation cachée
Préserver le sens des apprentissages, l’esprit critique et la relation humaine. Derrière la défiance, il y a surtout la peur d’un outil qui pourrait affaiblir le cœur du métier.
Vigilance élevée, confiance basse.
Le Pragmatique a toujours un prompt sous le coude, « pour tester ».
La posture intermédiaire des Pragmatiques est un bon indicateur de l’évolution en cours : à mesure que les outils se simplifient et gagnent en fiabilité et que le cadre se précise, ce groupe pourrait bien devenir le moteur d’une transformation discrète mais rapide des pratiques pédagogiques des enseignants grâce à l’IA.
« L’IA ? Oui. C’est un outil qui m’aide à gagner en efficacité. »
En avançant d’un cran dans l’échelle de confiance, on croise les Pragmatiques : le groupe le plus nombreux avec 41 % des enseignants.
Ouverts à l’IA, mais pas pionniers pour autant, ils y voient avant tout pour eux un outil fonctionnel utile pour gagner du temps ou simplifier le quotidien — sans forcément bouleverser leurs pratiques.
Utilisation régulière de l’IA : plus d’un Pragmatique sur deux l’emploie chaque semaine.
Ils estiment que 24 à 34% de leurs tâches pourraient être déléguées à l’IA.
68 % d’entre eux déclarent gagner du temps grâce à l’IA, mais seuls 30 % y voient un vrai levier d’amélioration pédagogique.
54 % autorisent l’usage de l’IA par leurs élèves, souvent pour des activités encadrées.
Explorer l’IA avec méthode pour gagner en efficacité, sans se laisser griser par les promesses d’automatisation à tout prix.
Utilité avant idéologie.
La posture intermédiaire des Pragmatiques est un bon indicateur de l’évolution en cours : à mesure que les outils se simplifient et gagnent en fiabilité et que le cadre se précise, ce groupe pourrait bien devenir le moteur d’une transformation discrète mais rapide des pratiques pédagogiques des enseignants grâce à l’IA.
« L’IA ne remplacera pas les profs, mais elle peut servir de levier au métier d’enseignant. »
Tout en haut du spectre, voici les Enthousiastes : le groupe le plus engagé, représentant tout de même 38 % des enseignants.
Curieux, réflexifs, mais pas naïfs, ils incarnent une adhésion critique : convaincus des apports de l’IA, tout en restant attentifs à ses dérives.
Usage fréquent : 66% de ces enseignants utilisent l’IA chaque semaine.
Ils estiment que plus de la moitié de leurs tâches pourraient être déléguées à l’IA (jusqu’à 67 % pour les tâches administratives).
Près de 60 % encadrent activement les usages de l’IA des élèves.
La moitié d’entre eux estime que l’IA peut améliorer la qualité de l’enseignement.
Très demandeurs de veille et de formations techniques, ils cherchent à se perfectionner par eux-mêmes.
Gagner du temps pour se recentrer sur l’essentiel : la relation, la différenciation, l’accompagnement.
Curiosité haute, sens critique affûté.
L’Enthousiaste teste la dernière appli IA avant même qu’elle ne soit sur PRONOTE.
En avance sur les usages, les Enthousiastes expérimentent souvent, essuient les plâtres parfois et partagent leurs pratiques afin de faire changer le regard de leurs collègues plus dubitatifs. Ils sont un pont indispensable entre les solutions pédagogiques numériques et la réalité du terrain.
Le baromètre d’Ecolhuma incarne les réflexions d’une école en transition : ni réfractaire ni euphorique, elle cherche naturellement des repères. Il traduit également une adhésion rapide à l’IA des professeurs, portée par des usages quotidiens, prudents car parfois mal assurés.
Quelle que soit leur position, tous les enseignants convergent en effet vers un même constat : l’IA avance vite, mais l’accompagnement humain reste essentiel :
78 % demandent des formations dédiées pour mieux maîtriser les outils
59 % réclament un cadre d’usage clair pour les élèves et enseignants
80 % souhaitent des ressources partagées et des retours d’expérience concrets
Derrière les chiffres, les profs voient aussi leur rôle évoluer dans la relation éducative. Désormais ils se projettent autant comme des transmetteurs-passeurs que comme des accompagnateurs, éducateurs, tisseurs de lien, anticipant la mission essentielle et profondément humaine qu’ils ont à mener auprès des élèves : soutenir la curiosité, développer les compétences psycho-sociales, la créativité et l’esprit critique.