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Feuille-stylo-écrans… qui remportera le chifoumi de l’évaluation ?

Rédigé par Rémi | 16 juin 2025 08:06:04

Le chifoumi est une affaire sérieuse. Ce jeu possède sa propre ligue internationale :  The World Rock Paper Scissors Association. Faites un tour sur leur site, c’est fascinant.

Chez Ed, on adore les jeux. On a donc imaginé notre propre version : “Feuille-stylo-écrans”.

Deux équipes s’affrontent, les partisans nostalgiques du retour au papier d’un côté et les défenseurs modernes du numérique de l’autre, en trois manches :

  • Les impacts cognitifs ;
  • Le risque de triche ;
  • La profondeur d’analyse.

L’objectif ? Déterminer les meilleures pratiques évaluatives dans l'éducation.

Examinons les scores du jour.

Manche 1 : les impacts cognitifs

Chaque avancée technologique rebat les cartes pédagogiques. Avec l’ordinateur et Internet, les référentiels éducatifs ont progressivement intégré des compétences numériques : navigation, traitement de texte, veille, etc.

Mais quand il s’agit d’évaluer, le support a-t-il vraiment un impact sur les performances ?

La recherche suggère qu’écrire à la main, sur feuille, présente des avantages cognitifs que les outils numériques ne permettent pas, notamment en matière de compréhension et de mémorisation. Ecrire à la main stimule davantage notre cerveau que le doux bruit du clavier.

Quid des formats où les élèves n’ont pas besoin d’écrire ? Prenons l’exemple des QCM.

Pamela Paek, chercheuse à l’Université du Texas, a montré que 63% des QCM numériques bien conçus produisent des résultats équivalents à leur version papier mais que dans les 37% restants, des écarts notables apparaissent, influencés par :

  • La longueur du texte : les QCM comportant de longs passages de texte sont plus difficiles à lire en ligne que sur feuille.
  • La possibilité de passer d’une question à une autre : le numérique peut être plus performant si la navigation entre les questions est bien pensée, ce qui n’est pas toujours le cas.
  • L’impossibilité de surligner ou d’annoter sur écran.

Côté gestion du temps, là aussi, le format fait la différence :

  • La relecture est 23 % plus rapide sur papier.
  • Les épreuves littéraires nécessitent 30 % de temps supplémentaire sur écran que sur papier (pour un score équivalent).

En cause ? La charge cognitive générée par la navigation entre différents textes et fenêtres à l’écran. Une étude en eye-tracking révèle d’ailleurs que les élèves passent 40 % de leur temps visuel à gérer l’interface numérique, contre seulement 12 % sur papier.

A noter tout de même que le numérique permet une vérification beaucoup plus rapide des résultats des QCM que le papier !

Bilan

- Feuille-stylo : surlignage, annotations, relecture facilitée ; moins de distractions
- Écran : interface source de charge cognitive mais rapidité de correction

Résultat : Feuille-stylo 2 – Écrans 1

Manche 2 : le risque de fraude

Évaluation rime (souvent) avec triche. Et à ce petit jeu-là, le numérique a bouleversé les règles.

Avec les nouvelles technologies, il n’a jamais été aussi facile de tricher :

  • Pour les devoirs à la maison : réutilisation, sans réflexion, d’exercices copiés-collés (à peu près tous les DM demandés par des profs sont disponibles sur le web)
  • Pour les évaluations sur feuille en classe : l’avènement des IA génératives depuis 2023 rend de plus en plus facile la triche en classe, via l’usage discret de son smartphone.

Si des techniques et outils de détection de ces pratiques existent, ils peinent à suivre face à des productions de plus en plus crédibles.

Résultat ? Les examens manuscrits, surveillés, conservent un avantage net. Le contrôle de l’usage des smartphones devient un sujet brûlant. Et les évaluations orales sans support, elles, offrent une solution simple et efficace contre la triche.

Bilan

- Feuille-stylo : surveillance possible, triche mieux maîtrisée mais pas impossible
- Écrans : accès à des ressources illimitées et difficiles à contrôler

Résultat : Feuille-stylo 1 – Écrans 0

Manche 3 : la profondeur de l’analyse

Il y a quelques jours, Rémi, notre co-fondateur et responsable pédagogique, nous a raconté une anecdote fort intéressante.

Dans son ancienne vie de prof de lettres, il avait constaté que la question de la maîtrise de la langue était difficile à traiter. Le sujet est complexe, abstrait, et les élèves ont des niveaux extrêmement hétérogènes.

Audacieux, Rémi a pensé que le numérique pourrait l’aider à mieux enseigner la matière et a testé avec ses élèves les licences « Projet Voltaire » tout au long de l’année (application numérique spécialisée dans l’apprentissage de l’orthographe).

L’application propose aux élèves d’évaluer des phrases dans lesquelles se cachent, ou pas, des erreurs. Face à la phrase proposée, l’élève clique sur l’erreur présente ou le bouton “Pas d’erreur”.

S’il se trompe, une explication s’affiche à l’écran et l’application enregistre sa réponse pour le re-tester plus tard sur la même difficulté, et ce, jusqu’à ce qu’il ne fasse plus d’erreurs.

Sur le papier la solution paraît idéale. Mais en salle informatique, Rémi constate que la réalité est tout autre : les élèves en difficulté progressent peu. La raison ? Ils ne lisent pas ou comprennent mal les explications et répondent au hasard. L’analyse de leurs résultats et et de leur progrès est donc complètement faussée.

Bilan

Si le numérique porte de belles promesses, grâce à la finesse des paramètres enregistrés (temps de réponse, mémoire des résultats) et la possibilité d’un feedback immédiat, il est difficile de concevoir une application permettant d’analyser en profondeur des résultats des élèves (notamment si l’élève a des difficultés et qu’il clique n’importe où !).

Les productions manuscrites sont moins trompeuses et en disent beaucoup plus sur le niveau réel des élèves (graphie, brouillonage, ratures, schémas, etc.).

Résultat : Feuille-stylo 2 – Écrans 1

Conclusion

Résultat final : Feuille-stylo 5 - Écrans 2

Le papier a encore quelques belles années devant lui.

Conscients de ces constats, chez Ed on développe une IA capable de lire les copies papier pour accompagner les enseignants dans leur correction.

Parce que l’innovation n’est pas toujours là où on l’attend.