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Comment Ed construit le GPS des profs

Rédigé par Rémi | 23 juin 2025 07:42:49

En 1930, l’Etat de Virginie voit naître la petite Gladys West. Ce nom ne vous dit rien ? Gladys West est la mathématicienne à l’origine du GPS ! Et avant que son travail ne soit reconnu, cette Afro-Américaine a fait preuve de beaucoup de patience…presque un demi-siècle !

Chez Ed, c’est Xavier qui élabore le GPS indispensable à la navigation des profs sur notre plateforme. Et parmi ses missions, l’une des plus importantes est de leur permettre de vérifier efficacement les corrections générées par l’IA.

Objectif : vérifier 30 copies en moins de 15 minutes.

On l’a interrogé sur son travail de l’ombre, et vous allez voir, c’est toute une science.

Le GPS qui ne perd pas le nord

Ed : Xavier, pourquoi ce sujet de la vérification est-il central dans le projet Ed ?

Xavier : Parce que si l’IA corrige, c’est toujours le prof qui suit l’élève.

Il y a donc une phase de mise en confiance importante : l’enseignant a besoin de s’assurer que la correction est juste, cohérente avec son barème, et qu’il n’y a pas de coquille.

Notre enjeu, c’est de lui permettre d’effectuer cette vérification rapidement, sans ajouter une charge de travail lourde.

Ed : Comment fais-tu pour comprendre les besoins des professeurs ?

Xavier : J’utilise ce qu’on appelle des « tests utilisateurs ».

Concrètement, je place les profs en situation, face à la plateforme, et je leur demande d’effectuer des tâches précises. A partir de là, je mesure plusieurs facteurs :

  • Combien de temps ils mettent ;
  • Quelles erreurs ils font ;
  • Quelles frustrations ou difficultés apparaissent ;
  • Qu’est-ce qui marche bien.

Pendant la simulation, je leur demande aussi de penser à voix haute et de partager leur ressenti.Capture d’écran de l’un des entretiens de Xavier avec Ophélie, prof de lettres. Pour les curieux, retrouver l’entretien en intégralité en cliquant ici.

Xavier : L’objectif est de mesurer leur expérience, pour créer un véritable GPS de la correction, tout en intégrant des contraintes techniques et de design.

Ed : Et quels étaient leurs principaux points de friction ?

Xavier : On peut les résumer en quatre points.

  1. D’abord, le manque de contexte : souvent, les profs n’ont plus l’énoncé sous les yeux au moment de vérifier la note. Ça entraîne des allers-retours dans la navigation et fait perdre du temps.
  2. Ensuite, le barème n’était pas toujours explicite : ils avaient besoin de comprendre précisément comment les points avaient été attribués par l’IA.
  3. Une autre difficulté était de retrouver dans la copie la zone concernée par la correction, surtout sur des réponses longues comme les commentaires de texte en français.
  4. Enfin, il y avait un besoin d’ajouter des annotations personnelles, pour montrer à l’élève que sa copie avait bien été lue.

Ed : Comment as-tu résolu ces problèmes ?

Xavier : Je travaille par itérations successives en concevant des prototypes.

Par exemple, j’ai intégré :

  • Un affichage unifié qui regroupe tout sur un seul écran (l’énoncé, la réponse de l’élève, la correction IA, le détail du barème).
  • Une surbrillance automatique de la zone de la copie concernée.
  • Des zones d’annotation rapide à insérer pour personnaliser la correction.
  • Des appréciations synthétiques (limitées à 40 mots) pour éviter les commentaires ultra-détaillés que l’IA générait au début.

Ed : D’accord, donc tu peaufines en observant les besoins concrets des enseignants. J’imagine qu’en plus tu as beaucoup travaillé sur la navigation ?

Xavier : Oui, énormément.

Chaque seconde gagnée compte, car ces micro-frictions sont démultipliées sur 30 ou 50 copies.

J’ai donc ajouté des raccourcis clavier, testé la commande vocale, et même un système de synthèse vocale qui lit la note et l’appréciation pour que le prof garde les yeux sur la copie.

Ces modifications m’ont permis de diviser par 4 voire 5 le temps de vérification des copies. Toutefois, il faut prendre ces chiffres avec des pincettes car le temps de correction diffère selon la nature de l’évaluation.

Ed : Et lors de ces tests, des choses t’ont surpris ?

Xavier : Oui, c’est arrivé.

Par exemple, certains profs craignaient que les élèves puissent penser qu’en confiant la correction à une IA, cela crée un sentiment de désengagement de leur part.

D’autres se sont aperçus que l’IA était souvent moins sévère et plus objective qu’eux. Après lecture du feedback de l’IA, ils se sont d’ailleurs très souvent rangés à son avis et ont validé la note.

Pourquoi ? Parce que l’IA ne connaît pas les élèvesElle corrige objectivement, sans émotion, ce que certains profs trouvaient assez juste, notamment dans le cas où un élève les a profondément agacés et que la tentation de le « tacler » est grande haha !

Ed : Cette objectivité peut aussi jouer sur la relation prof-élève non ?

Xavier : certains enseignants pensent que ça peut même améliorer la motivation et l’engagement des élèves pour progresser après une évaluation.

Déjà parce que l’IA ne se fatigue pas et va “prendre le temps” d’expliciter chaque élément corrigé pour l’élève, là où un prof manque parfois de temps pour justifier toutes ses corrections et va juste souligner ou entourer un passage.

Ensuite parce que l’IA est une “voix” neutre, ce qui pourrait réduire la charge émotionnelle que l’élève attache au rendu de l’évaluation, notamment lorsqu’elle est négative.

Ed : Où en es-tu aujourd’hui dans tes tests ?

Xavier : On a beaucoup progressé côté profs. Maintenant on aimerait aussi tester l’outil avec des élèves pour voir comment ils reçoivent ces feedbacks. Ça demande pas mal de logistique, donc c’est à l’étude.

Ed : Un grand merci Xavier.

Conclusion

Chez Ed, l’IA indique la route, mais le prof reste au volant.

L’intelligence artificielle ne remplace pas l’enseignant, elle l’assiste. Et comme tout nouvel outil, il faut du temps pour l’apprivoiser et lui faire confiance.

Mais une chose est sûre, on fait tout pour que ce temps soit bien investi.